Et si vous deviez passer le Grand Oral du Bac ?
Écrit le
3
June
2021
par
Julien de Sousa
L'oralité est mise à l'honneur pour passer son Bac avec brio. Le point commun entre cette nouvelle épreuve et le monde professionnel : comment parler d'un sujet qu'on maîtrise, a priori, pour le restituer de manière claire, concise et intéressante ?

40 minutes.
Voici la durée de cette épreuve du Grand Oral du Bac. Alors non, je vous rassure, vous n'allez pas parler pendant 40min. Notre capacité de concentration maximale étant limitée à 18min (durée max d'un Ted Talk), ça ne serait pas du tout fair-play de demander à des lycéen.nes de réaliser l'exploit de déjouer les habitudes de notre cerveau.
Au total, l’épreuve dure donc 40 minutes : 20 minutes de préparation, et 20 minutes devant le jury, et elle se déroule en trois temps :
- 5 minutes de discours
- 10 minutes de questions/réponses avec le jury composé de 2 professeurs
- 5 minutes d'échanges sur l'orientation professionnelle
Avant l’épreuve, et pendant l’année scolaire, les élèves ont préparé, avec leurs professeurs, deux questions qui portent sur leurs deux spécialités de Terminale. Lors du Grand Oral, le jury en choisit une des deux : le/la candidat.e a 20 minutes pour organiser ses idées et son plan.
Exemples de questions :
- Être illettré-e empêche-t-il d'être compétent-e ? (Non. Bon maintenant faut détailler)
- Comment la science-fiction aide-t-elle à penser les dangers qui menacent l'humanité ? (débrancher SkyNet dans Terminator déjà)
- En quoi les clathrates de méthane font-ils peser une menace sur le climat ? (là perso je suis incollable)
- Comment l'astronomie, la navigation et le calcul bancaire sont-ils à l'origine de l'invention des logarithmes ? (spé Maths vous l'aurez compris)
- ...
On trouve déjà là un énorme point commun entre cette épreuve et le monde professionnel : comment parler d'un sujet qu'on maîtrise a priori pour le restituer de manière claire, concise et intéressante ?
5 minutes pour prendre la parole, c'est à la fois long (l'audience peut décrocher) et très court (il faut chercher à être efficace).
Il faut donc à la fois travailler le fond et soigner la forme.
LE FOND
Une présentation bien préparée est une présentation bien ordonnée.
Ma recommandation est de choisir un plan en 4 étapes :
1- Votre accroche
2- L'annonce de votre question / problématique (1min30 avec l'accroche)
3- Le développement de votre argumentation (3min)
4- Votre conclusion (30 sec)
1- Votre accroche
C'est votre toute première phrase, elle est absolument essentielle, car elle annonce la couleur et suscite l'intérêt dans les premiers instants. Son rôle est triple :
- Elle sert à interpeller votre auditoire > c'est VOUS qui parlez.
- Elle sert à capter son attention > c'est VOUS qu'on écoute.
- Elle sert à attirer la bienveillance > le public a envie de prendre soin de VOUS autant que vous allez prendre soin de LUI.
Alors au lieu d'un classique et barbant "Bonjour à tous, je suis Julien de Sousa, élève de Terminale S au Lycée Van Gogh, et je vais vous parler de l'importance d'explorer notre univers...", donnez au public une accroche percutante.
Voici 3 exemples d'accroche :
- Une question indirecte : "Au regard de la taille de notre univers, avez-vous déjà songé qu'une planète semblable à notre Terre existe ailleurs ?"
- Une anecdote : "Dans les années 1960, la NASA a imaginé les premiers casques sans fil pour rester en contact avec les astronautes sans qu'ils soient gênés par leur matériel. Ce genre d'inventions créées pour l'exploration spatiale se retrouvent bien souvent dans notre quotidien, comme par exemple ..."
- Une référence à l'actualité : "Plus de 2 millions de personnes ont regardé le Live du dernier décollage de la fusée Space X où notre cher Thomas Pesquet s'est envolé pour la station ISS. L'univers fascine car..."
Les possibilités sont infinies (comme l'univers !) tant que vous entrez de manière dynamique dans votre propos.
2- L'annonce de votre question / problématique
Vous n'êtes pas là pour jeter votre question à la tête de votre public, vous êtes là pour expliquer en quoi ce sujet est intéressant, quels sont les problèmes qu'il pose, les enjeux qu'il soulève...
En somme pourquoi mérite-t-on de se pencher sur une telle question ?
Et l'idéal est que vous-même vous sachiez pourquoi cette question vous concerne, aussi bien qu'elle concerne votre public. Ce qui vous donnera aussi un avantage au moment de la phase de Q&R car pour développer votre leadership, vous devez savoir pourquoi vous faites les choses, pourquoi vous faites ces choix, pourquoi vous prenez telle ou telle décision.
Le public n'attend pas un.e bon.ne élève qui montre qu'il.elle a fait ses devoirs, le public attend un.e orateur.trice qui montre un point de vue.
3- Le développement de votre argumentation
Il serait difficile pour moi de vous dire comment organiser cette partie, car tout va dépendre des arguments soutenus et des exemples choisis pour illustrer et valider vos propos. Cependant, il est primordial de travailler à rendre votre propos fluide, logique, avec une suite d'idées ordonnée.
Et pour vous aider à garder une trame cohérente, privilégiez les connecteurs logiques pour lier les idées entre elles :
Tout d'abord / De fait / Par conséquent / Néanmoins / Cependant / Or / En définitif...
Tentez également d'élever votre présentation en enrichissant votre vocabulaire avec des synonymes de ce genre de verbes passe-partout : avoir / être / faire / dire / faire / mettre...
En revanche, supprimez les mots parasites, inutiles et lourds tels que :
Genre / En fait / Du coup / Euhhh / Enfin voilà quoi / Internet of Things...
4- Votre conclusion
C'est le moment où vous allez clôturer. Le moment où vous devez laisser un bon souvenir à votre public. Il est donc important de faire ces 3 choses :
- Résumez brièvement votre propos en 1 phrase ou 2 et rappelez votre réponse à la question. Votre public a ainsi bien compris votre raisonnement.
- Faites une ouverture. Votre réponse n'est pas la fin, mais le début d'une réflexion beaucoup plus grande.
- Ayez une dernière phrase qui indique que c'est la fin en véhiculant une certaine émotion pour toucher le public et ne pas terminer sur la réplique la plus pourrie de l'univers : "voilà, merci pour votre attention" ou "voili voilou" !
Astuce pour supprimer ce relou "voilà" : mordez-vous la langue à chaque fois. Vous aurez tellement d'aphtes qu'au bout d'un moment il disparaîtra de vos discours. Moi j'en ai eu pour 200€ d'Hextril.
LA FORME
C'est votre éloquence qui fera la différence.
C'est votre capacité à sublimer votre fond grâce à votre voix (paraverbal) et votre corps (non-verbal).
Prendre la parole en public n'est pas un don, c'est une compétence qui s'apprend.
1- Ne vous entraînez pas à réciter, entraînez-vous à répéter
Le plus important ce n'est pas de connaître votre discours par cœur, c'est de connaître votre accroche, vos idées clefs et votre conclusion. Si vous oubliez une phrase, personne ne le saura jamais.
2- Dire moins et dire mieux
Chronométrez-vous à la maison pour vous rendre compte de ce que ça fait de parler pendant 5 minutes. Entraînez-vous à discourir. Si vous dépassez le timing, ne vous dites pas que vous parlerez plus vite. Faites des phrases plus courtes et gardez vos arguments supplémentaires pour la phase de Q&R.
3- Ancrage et bonne image
Votre corps envoie des signaux. Alors, ne vous balancez pas, restez droit.e, posture haute, bien ancré.e dans le sol, avec les mains au niveau du nombril. Servez-vous-en pour rendre votre discours dynamique, sans partir en danse Fortnite non plus.
4- Plus de silence pour faire du bruit
Au lieu d'un mot parasite et inutile, privilégiez les pauses et les silences. Ils ont un triple avantage :
- ils permettent de réfléchir à ce que vous allez dire ensuite. Pratique.
- ils permettent de créer du rythme et mettre de l'emphase. Esthétique.
- ils permettent de laisser le temps au public de digérer ce que vous partagez. Gastrique.
5- L'œil qui regarde bien, la voix qui vibre
Pendant votre intervention, maintenez votre regard sur votre public pour maintenir leur attention. Ne vous préoccupez pas de la propreté du sol, du tableau ou des fenêtres. Préoccupez-vous de celles et ceux qui vous écoutent. Et parce qu'ils vous entendent, profitez-en pour leur jouer une belle mélodie avec votre voix. C'est ce qu'on appelle la "prosodie" : articulation, volume, intonation, débit.
6- La congruence, reine de l'éloquence
Connaitre votre discours, c'est bien.
Jouer avec votre corps et votre voix, c'est très bien.
Y mettre les bonnes intentions et être parfaitement aligné.e, c'est le must du must.
C'est ce qu'on appelle la "congruence" : votre capacité à incarner pleinement ce que vous racontez, montrer que vous avez à cœur de convaincre. Soyez enthousiaste, enjoué.e, vibrant.e. Les émotions transmises feront que vous passerez d'une intervention réussie, à une intervention brillante.
Oui ça fait beaucoup d'éléments à intégrer.
Oui cette nouvelle épreuve demande pas mal de pratique.
Oui ce moment risque d'être stressant.
Mais, si vous travaillez soigneusement cette épreuve, vous ne saurez pas seulement capable de réussir cet examen ou même de prendre la parole.
Vous saurez comment convaincre.

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